Licenciement et audition préalable du travailleur

L’employeur public doit-il procéder à l’audition du travailleur contractuel préalablement à son licenciement ?

La Cour constitutionnelle vient de se prononcer à ce sujet. Le SPF Finances avait licencié un travailleur contractuel pour motif grave (état d’ébriété). Ce travailleur a introduit une procédure devant le tribunal du travail afin d’obtenir la condamnation de l’Etat belge au paiement d’une indemnité de rupture car il n’avait pas bénéficié d’une audition préalable à son licenciement.

Quelle est la position de la Cour constitutionnelle ?

La loi prévoit que seuls les agents statutaires ont le droit d’être entendus conformément au principe général de bonne administration audi alteram partem. N’y-a-t-il pas discrimination vis-à-vis des agents contractuels ?

Le 12 octobre 2015, la Cour de cassation a décidé que ni la loi relative à la motivation formelle des actes administratifs, ni les principes généraux de bonne administration ne s’appliquaient au licenciement d’un travailleur contractuel dans le secteur public.

Dans son arrêt du 22 février 2018, la Cour constitutionnelle vient tempérer cette interprétation :

« L’article 35 de la loi du 3 juillet 1978 précitée, interprété comme autorisant une autorité publique à licencier un travailleur, avec lequel elle a conclu un contrat de travail, pour des motifs graves liés à sa personne ou à son comportement, sans être tenue d’entendre préalablement ce travailleur, n’est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution ».

La Cour motive sa décision en précisant que selon le cas, le statut présente, par rapport au contrat de travail, des avantages (par exemple, une plus grande stabilité d’emploi ou un régime de pension plus avantageux) ou des désavantages (tels la loi du changement, le devoir de discrétion et de neutralité ou le régime de cumul et d’incompatibilités).

Ces spécificités ne doivent toutefois être prises en considération que par rapport à l’objet et à la finalité des dispositions en cause. A cet égard, il n’apparaît pas que l’employé d’une autorité publique qui reçoit son congé soit dans une situation différente selon qu’il a été recruté comme agent statutaire ou comme agent contractuel, quant à l’application du principe général de bonne administration audi alteram partem (littéralement : entendre l’autre partie).

La Cour indique que le principal général de bonne administration audi alteram partem impose à l’autorité publique d’entendre préalablement la personne à l’égard de laquelle est envisagée une mesure grave pour des motifs liés à sa personne ou à son comportement.

Ce principe s’impose à l’autorité publique en raison de sa nature particulière, à savoir qu’elle agit nécessairement en tant que gardienne de l’intérêt général et qu’elle doit statuer en pleine et entière connaissance de cause lorsqu’elle prend une mesure grave liée au comportement ou à la personne de son destinataire.

Le principe audi alteram partem implique que l’agent qui risque d’encourir une mesure grave en raison d’une appréciation négative de son comportement en soit préalablement informé et puisse faire valoir utilement ses observations.

La Cour conclut : la différence objective entre la relation de travail statutaire et la relation de travail contractuelle ne peut justifier, pour les agents d’une autorité publique, une différence de traitement dans l’exercice du droit garanti par le principe de bonne administration audi alteram partem.

L’audition préalable semble donc acquise.

La Cour s’empresse toutefois d’indiquer qu’une autre interprétation peut prévaloir et qu’il n’y aurait pas de discrimination.

Dans le doute, il appartient à l’autorité publique d’entendre au préalable le travailleur qu’elle entend licencier.

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